La terraformation, d'origine occidentale, peut-elle être une solution à la crise environnementale ?
La terraformation est un procédé de transformation d’un environnement hostile en un environnement supportable pour l’être humain qui implique la modification biogéochimique de l’environnement à très grande échelle (NASA, s. d.). Ce terme est utilisé pour la première fois dans la nouvelle de Jack Williamson (USA) : Collision of Orbits, en 1942. Il est ensuite régulièrement repris dans la littérature de science-fiction, notamment dans The Sands of Mars d’Arthur C. Clarke (UK), The Martian Way d’Isaac Asimov (USA), Isle of the Dead de Roger Zelazny (USA), ou plus récemment dans The Mars Trilogy de Kim Stanley Robinson (USA).
Ce terme est également repris par la communauté scientifique. C’est ainsi qu’en 1961, Carl Sagan, un astronome américain, propose de terraformer la planète Vénus en y appliquant l’un des principes de la géo-ingénierie actuelle à savoir la réduction de l’effet de serre qui règne sur la planète. À l’inverse, en 1984, James Lovelock (UK) et Michael Allaby (UK) dans leur livre The Greening of Mars proposent d’augmenter la température de Mars en injectant des CFCs dans l’atmosphère martienne.
Le monde occidental a donc évoqué le sujet de la terraformation à plusieurs reprises au cours de ces soixante dernières années. Comment l’expliquer ? Nous proposons de le faire en nous référant à l’une des structures élémentaires de la pensée occidentale, à savoir le dualisme. Celle-ci est fondée sur une vision du corps et de l’esprit, que l’on retrouve par exemple chez Descartes, lequel fait de l’esprit une substance immatérielle que l’on peut assimiler à la conscience. Cette faculté de prendre conscience de sa propre existence positionne l’homme comme un être supérieur par rapport aux autres êtres vivants. Dès lors, la terraformation, qui est un procédé où l’être humain possède une place centrale, apparaît comme un nouvel avatar de la perception occidentale de la place de l’homme dans le monde.
Cette dernière décennie, l’être humain a pris conscience de la limitation des ressources qu’offre la Terre. Depuis les années 1950, la population à l’échelle mondiale ne cesse d’augmenter de manière exponentielle, et tout ce qui y est intrinsèquement lié aussi : la demande de nourriture, d’énergie, d’eau, de minerai. Symboliquement, le mardi 20 août 2013 était le jour où l’humanité a épuisé le budget écologique annuel de la planète. Ainsi, l’homme consomme en un an 1,5 fois plus de ressources que la Terre peut en produire en une année. Dans cette perspective, la terraformation offre la possibilité de résoudre ce problème en fournissant de nouveaux lieux d’accueil, de nouveaux espaces pour y développer l’agriculture, et de probables nouvelles ressources énergétiques et minières qui permettraient de subvenir aux besoins de l’homme.
Cependant, le fait même de terraformer pose certains problèmes éthiques. Tout d’abord, on peut craindre que le fait de terraformer incite l’homme à continuer de vivre selon son mode de vie actuel, puisqu’il passerait d’un monde aux ressources finies à un monde aux ressources illimitées. En effet, le fait de terraformer lui permettrait de passer de planète en planète dès lors qu’il en aurait épuisé les ressources. Les planètes deviendraient de cette façon des hôtes temporaires de l’espèce humaine. Autrement dit, l’être humain se comporterait comme le parasite des planètes qu’il occupe.
Adoptant un point de vue plus optimiste, James Schwartz mentionne dans son essai On the moral of permissibility of terraforming que la terraformation conduirait nécessairement à comparer la planète, objet de la terraformation, à la Terre. Par conséquent, cela nous amènerait à développer nos connaissances sur les interactions écosystémiques de notre planète et leur éventuelle gestion. Ceci pourrait contribuer à résoudre la crise environnementale que nous traversons.
Autre idée développée par Schwartz dans son essai : selon que l’homme adoptera une attitude anthropocentrique ou non anthropocentrique, les problèmes moraux soulevés par la terraformation seront différents. Or, étant entendu que nous ne prenons ici en considération que les problèmes éthiques posés par l’approche occidentale, il est difficilement envisageable que celle-ci, du fait de son enracinement dualiste, se traduise par une vision non anthropocentrique du monde. Dès lors, seuls les problèmes éthiques de la terraformation selon une vision anthropocentrique seront étudiés ci-après.
Dans le cas où la planète qu’il est envisagé de terraformer est déjà habitée, les espèces vivantes concernées posséderont nécessairement une valeur scientifique. Elles peuvent par exemple représenter des solutions médicales ou encore technologiques susceptibles d’être bénéfiques à l’homme. De ce fait, l’être humain pourrait-il s’arroger le droit d’éradiquer des espèces extra-terrestres et par conséquent d’inhiber la recherche scientifique et les possibles avancées qui pourraient en découler ? En d’autres termes, la valeur scientifique ne devrait-elle pas être priorisée par rapport à la terraformation ?
Dans un contexte où la planète est inhabitée, les mêmes problèmes de valeur scientifique se posent. En effet, même sans la présence d’êtres vivants, la planète peut présenter un intérêt scientifique pour certaines disciplines comme la géologie ou la climatologie. Dans le cas où seraient découvertes des traces de vie passée, la planète aurait également une valeur pour la biologie, et éventuellement l’archéologie qui pourrait par exemple s’efforcer d’expliquer les raisons de la disparition de la vie sur cette planète et nous renseigner sur les précautions à prendre pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
En conclusion, la terraformation soulève plusieurs questions éthiques quant à son application. Cependant, son étude théorique pourrait nous amener à développer de nouvelles connaissances sur les interactions écosystémiques de notre planète et leur éventuelle gestion qui pourrait éventuellement contribuer à résoudre la crise environnementale que nous traversons.
La terraformation est un procédé de transformation d’un environnement hostile en un environnement supportable pour l’être humain qui implique la modification biogéochimique de l’environnement à très grande échelle (NASA, s. d.). Ce terme est utilisé pour la première fois dans la nouvelle de Jack Williamson (USA) : Collision of Orbits, en 1942. Il est ensuite régulièrement repris dans la littérature de science-fiction, notamment dans The Sands of Mars d’Arthur C. Clarke (UK), The Martian Way d’Isaac Asimov (USA), Isle of the Dead de Roger Zelazny (USA), ou plus récemment dans The Mars Trilogy de Kim Stanley Robinson (USA).
Ce terme est également repris par la communauté scientifique. C’est ainsi qu’en 1961, Carl Sagan, un astronome américain, propose de terraformer la planète Vénus en y appliquant l’un des principes de la géo-ingénierie actuelle à savoir la réduction de l’effet de serre qui règne sur la planète. À l’inverse, en 1984, James Lovelock (UK) et Michael Allaby (UK) dans leur livre The Greening of Mars proposent d’augmenter la température de Mars en injectant des CFCs dans l’atmosphère martienne.
Le monde occidental a donc évoqué le sujet de la terraformation à plusieurs reprises au cours de ces soixante dernières années. Comment l’expliquer ? Nous proposons de le faire en nous référant à l’une des structures élémentaires de la pensée occidentale, à savoir le dualisme. Celle-ci est fondée sur une vision du corps et de l’esprit, que l’on retrouve par exemple chez Descartes, lequel fait de l’esprit une substance immatérielle que l’on peut assimiler à la conscience. Cette faculté de prendre conscience de sa propre existence positionne l’homme comme un être supérieur par rapport aux autres êtres vivants. Dès lors, la terraformation, qui est un procédé où l’être humain possède une place centrale, apparaît comme un nouvel avatar de la perception occidentale de la place de l’homme dans le monde.
Cette dernière décennie, l’être humain a pris conscience de la limitation des ressources qu’offre la Terre. Depuis les années 1950, la population à l’échelle mondiale ne cesse d’augmenter de manière exponentielle, et tout ce qui y est intrinsèquement lié aussi : la demande de nourriture, d’énergie, d’eau, de minerai. Symboliquement, le mardi 20 août 2013 était le jour où l’humanité a épuisé le budget écologique annuel de la planète. Ainsi, l’homme consomme en un an 1,5 fois plus de ressources que la Terre peut en produire en une année. Dans cette perspective, la terraformation offre la possibilité de résoudre ce problème en fournissant de nouveaux lieux d’accueil, de nouveaux espaces pour y développer l’agriculture, et de probables nouvelles ressources énergétiques et minières qui permettraient de subvenir aux besoins de l’homme.
Cependant, le fait même de terraformer pose certains problèmes éthiques. Tout d’abord, on peut craindre que le fait de terraformer incite l’homme à continuer de vivre selon son mode de vie actuel, puisqu’il passerait d’un monde aux ressources finies à un monde aux ressources illimitées. En effet, le fait de terraformer lui permettrait de passer de planète en planète dès lors qu’il en aurait épuisé les ressources. Les planètes deviendraient de cette façon des hôtes temporaires de l’espèce humaine. Autrement dit, l’être humain se comporterait comme le parasite des planètes qu’il occupe.
Adoptant un point de vue plus optimiste, James Schwartz mentionne dans son essai On the moral of permissibility of terraforming que la terraformation conduirait nécessairement à comparer la planète, objet de la terraformation, à la Terre. Par conséquent, cela nous amènerait à développer nos connaissances sur les interactions écosystémiques de notre planète et leur éventuelle gestion. Ceci pourrait contribuer à résoudre la crise environnementale que nous traversons.
Autre idée développée par Schwartz dans son essai : selon que l’homme adoptera une attitude anthropocentrique ou non anthropocentrique, les problèmes moraux soulevés par la terraformation seront différents. Or, étant entendu que nous ne prenons ici en considération que les problèmes éthiques posés par l’approche occidentale, il est difficilement envisageable que celle-ci, du fait de son enracinement dualiste, se traduise par une vision non anthropocentrique du monde. Dès lors, seuls les problèmes éthiques de la terraformation selon une vision anthropocentrique seront étudiés ci-après.
Dans le cas où la planète qu’il est envisagé de terraformer est déjà habitée, les espèces vivantes concernées posséderont nécessairement une valeur scientifique. Elles peuvent par exemple représenter des solutions médicales ou encore technologiques susceptibles d’être bénéfiques à l’homme. De ce fait, l’être humain pourrait-il s’arroger le droit d’éradiquer des espèces extra-terrestres et par conséquent d’inhiber la recherche scientifique et les possibles avancées qui pourraient en découler ? En d’autres termes, la valeur scientifique ne devrait-elle pas être priorisée par rapport à la terraformation ?
Dans un contexte où la planète est inhabitée, les mêmes problèmes de valeur scientifique se posent. En effet, même sans la présence d’êtres vivants, la planète peut présenter un intérêt scientifique pour certaines disciplines comme la géologie ou la climatologie. Dans le cas où seraient découvertes des traces de vie passée, la planète aurait également une valeur pour la biologie, et éventuellement l’archéologie qui pourrait par exemple s’efforcer d’expliquer les raisons de la disparition de la vie sur cette planète et nous renseigner sur les précautions à prendre pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
En conclusion, la terraformation soulève plusieurs questions éthiques quant à son application. Cependant, son étude théorique pourrait nous amener à développer de nouvelles connaissances sur les interactions écosystémiques de notre planète et leur éventuelle gestion qui pourrait éventuellement contribuer à résoudre la crise environnementale que nous traversons.